Don d'ovocytes

Une lettre du 21 décembre 2012 de la DGS signifiait clairement que tout médecin était passible de sanctions financières et pénales s’il conseillait le don d’ovocyte à l’étranger.

Ce courrier vécu par la profession comme une insulte à leur éthique s’inscrivait dans un contexte d’une part, de suspicion quant à une éventuelle compensation financière pour les praticiens français, mais aussi un paradoxe. En effet la pratique du don d’ovocytes en France est freinée par une législation lourde qui l’empêche de prendre en charge rapidement et dans de bonnes conditions ces couples mais un remboursement forfaitaire de 1600 euros plus les déplacements, est possible pour tout couple bénéficiant d’un tel traitement à l’étranger, après l’étude d’un dossier étayé et dont l’argument principal est justement cette difficulté.

Un RDV en mars 2013 avec la DGS avait permis de nuancer les propos tenus dans ce courrier sans pour autant les annuler, cependant que le fond du problème était à revoir. Une réunion le 8 octobre 2013 s’est tenue au ministère de la santé avec des représentantes de la DGOS et les sociétés directement concernées (le GEFF représenté par Dr Bernard Nicollet, GEDO représenté par Dr Hélène Letur, CECOS représenté par Dr Dominique Le Lannou, syndicat des centres privés représenté par le Dr Jacques Montagut, CnGOF représenté par le Dr Jean Philippe Ayel, BLEFCO représenté par le Dr Aviva Devaux, SMR représentée par le Dr Catherine Rongières et la FFER qui regroupe plusieurs de ces sociétés, représentée par sa future présidente le Dr Joelle Belaish Allart).

A l’issue de cette réunion, Mme D.Cvetojevic notre interlocutrice principale, avait bien appréhendé les problèmes et soulevé les différentes issues possibles.

Ils pouvaient se résumer en 4 points :

  1. La participation « autonome »  des centres privés à l’activité du don d’ovocytes. Pour cela il s’agit de modifier le texte de loi qui justement doit être proposé en 2014 avec comme objectif une « amélioration de la santé publique ». En attendant, on pouvait à l’instar de l’accueil d’embryons, proposer une convention entre privé et publique pour qu’au moins des ovocytes qui seraient acceptés pour un don en centre privé, puissent être récupérés par un centre public autorisé.
  2. Le financement de l’activité avec un parcours des MIG qui soit suivi et ciblé aux bonnes équipes.
  3. La possibilité pour une patiente sans enfant de donner, sans pour autant être obligée de conserver pour elle et vice et versa.
  4. Le dédommagement des donneuses qui bénéficient d’un remboursement des frais visibles (pas dans tous les établissements d’ailleurs) mais pas de dédommagement invisible comme la simple reconnaissance de leur acte qui va nécessiter une organisation autour de leur vie autant professionnelle que privée.

Malheureusement le compte rendu que Mme D.Cvetojevic nous a envoyé quelques jours plus tard n’était pas à la hauteur de nos attentes :

Bonjour,

Nous revenons vers vous comme convenu avec des éléments de réponse à vos questions.

Plusieurs difficultés ont été soulevées en réunion ; certaines ont donné lieu à réponse en séance, d’autres devaient être expertisées (notamment point 3) :

1/ régime d’autorisation

Aux termes des dispositions de l’article L.2142-1 alinéa 3, les activités biologiques et cliniques d’AMP en vue de don ne peuvent être pratiquées que dans les organismes et établissements de santé (ES) publics ou les organismes et ES privés à but non lucratifs.

L’autorisation ne peut donc pas être portée par un ES privé à but non lucratif et une convention déléguant une autorisation d’un ES public ou non lucratif à un ES lucratif serait contraire à ces dispositions.

2/ coopération public / privé 

Toutefois, un « groupement de coopération sanitaire – établissement de santé » (GCS-ES), constitué entre un ES public et un ES privé à but lucratif pourrait être créé afin de mettre en œuvre une activité d’AMP en vue de don, ce qui permettrait à l’ES privé de participer à l’activité.

Il est néanmoins à noter que cette création n’est possible qu’à certaines conditions :

  • il serait en premier lieu nécessaire, afin que  le GCS ait une nature juridique publique, que la participation de l’EPS soit majoritaire au sein du GCS ES.
  • Cette modalité de coopération implique ensuite le transfert au bénéfice du GCS des autorisations d’activités de soins concernées détenues par l’EPS.
  • Elle sous- tend ensuite le respect de l’ensemble des règles applicables aux établissements de santé notamment en matière de conditions de fonctionnement et de gouvernance mais aussi de qualité et de sécurité des soins, de système d’information et suivi des données.

Le financement sera effectué sur le fondement des règles tarifaires des établissements de santé, c’est-à-dire selon le cas et sans lien avec sa nature juridique, sur l’échelle tarifaire publique ou privée.

3/ cession des ovocytes

A titre préliminaire, il convient de souligner que le fait que ce sujet ne soit pas clairement traité dans la loi bioéthique est essentiellement dû à l’évolution des techniques de conservation des ovocytes. Les ovocytes supportant mal la congélation, seuls étaient congelés les embryons. Si la vitrification permet aujourd’hui une congélation efficace des ovocytes, cette technique récente n’était pas encore autorisée avant 2011.

Les ovocytes recueillis et conservés dans l’ES privé l’ont été en vue d’un projet parental. Celui-ci a pu être abandonné. Par analogie avec le régime des embryons (articles L.2141-4 et L.2141-5 du CSP), il apparaît que le changement de destination/finalité des ovocytes restants vers le don ne peut être effectué sans disposition législative en ce sens, organisant les conditions et les modes de consentement du couple.

Par conséquent, à l’heure actuelle, les ovocytes surnuméraires ne peuvent être transférés dans un ES autorisé au don.

4/ financement de l’activité

La difficulté soulevée ne réside pas tant dans le montant consacré au financement que dans la « juste allocation des ressources sur le terrain ». Le calibrage des tarifs n’a pas été remis en question, mais le manque de transparence quant au fléchage des crédits à l’intérieur de certains ES est regretté par les professionnels.

Cette difficulté est à régler au niveau régional et non national, notamment dans le cadre de la contractualisation entre ARS et ES (CPOM). A cette occasion, il appartient aux ARS de suivre les moyens et les objectifs déterminés avec le responsable d’établissement. L’ARS peut dans ce cadre rappeler au directeur d’établissement les engagements qui ont été pris et le nécessaire respect de ceux-ci.

5/ dédommagement des donneuses

Il n’est absolument pas possible ni prévu de créer une indemnisation des donneuses en sus ou à la place du « remboursement de frais » actuellement en vigueur. Cela va à l’encontre du principe de gratuité du don, et n’est d’ailleurs pas une demande partagée des professionnels. Les récents travaux sur la MIG AMP ont permis de mieux assurer la neutralité financière pour les donneuses qui pouvait encore poser parfois problème.

6/ donneuses nullipares

Cette question doit en effet être abordée dans le texte DGS à venir (projet de décret pour lequel nous ne disposons pas d’information quant à la date de publication). En l’absence de ce dernier, et puisque la loi renvoie expressément à un décret, il n’est pas possible d’accepter le don d’ovocytes de femmes n’ayant pas encore procréé.

Enfin, s’agissant des perspectives d’évolution législative, il convient de signaler qu’un projet de loi de santé publique sera proposé au vote des parlementaires en 2014. Le contenu de celle-ci n’est pas défini à ce jour. Un projet poursuivant un objectif d’amélioration de la santé publique pourrait être porté à cette occasion dès lors qu’il s’inscrirait dans les orientations politiques.

Espérant avoir répondu à vos interrogations, nous nous tenons à votre disposition pour tout complément.

Ainsi nous nous retrouvons dans une position toujours bloquée où les ouvertures entrevues ont été rapidement refermées par les textes de loi que nous connaissons tous. Ce n’était pas le sujet et nous pensions par cette réunion, aller au delà. Hélène Letur et moi-même avons demandé dans ce cas, quelles étaient les actions à entreprendre et vers quels interlocuteurs fallait-il se tourner pour pouvoir participer à l’élaboration du nouveau projet de santé publique qui sera voté en 2014, si nous voulions que ces points soient entendues et pris en compte dans l’élaboration d’un nouveau texte de loi.

Il nous a été répondu ceci :

Bonjour,

En réponse à vos interrogations relatives à la gestion des suites à donner, je vous confirme tout l’intérêt de constituer un dossier qui pourrait être transmis par vos soins à la Ministre, et reprenant les données d’activité ainsi que les éléments que vous nous avez présentés (notamment ceux à l’appui de votre souhait de voir les ES privés pouvoir contribuer à cette offre de soins ; mais ce n’est pas le seul sujet).

Cela permettra à la Ministre d’apprécier la situation, d’échanger avec ses collaborateurs – qui eux-mêmes pourraient vous rencontrer – et de confier à la DGOS et à la DGS l’instruction du dossier le cas échéant , dans le cadre de la prochaine loi de santé publique si cette option est retenue.

Je vous rappelle que l’IGAS en 2011 a fait un dossier parfaitement complet sur les problèmes et les défauts de prise en charge du don d’ovocytes en France. De quel dossier supplémentaire finalement est-il question ? Et surtout :  

  1. Nous avons droit de par la loi, de faire  une activité qui ne marche pas bien en France.
  2. On nous rencontre suite à des évènements qui ont révélé encore une fois, ce dysfonctionnement dans le but d’améliorer les choses et de trouver des solutions (lettre du 21 décembre 2012).
  3. Nous pointons les écueils que nous connaissons tous pour les ressasser depuis des années (dossier IGAS 2011).
  4. Et finalement  on nous dit que rien ne pourra être fait puisque la loi l’interdit, mais si on veut vraiment on peut monter un Xième dossier pour convaincre nos instances qui pourtant se disent vouloir «améliorer la santé publique ».

N’est-ce pas schizophrène ?

Il s’agit en fait d’une cause sur laquelle tous s’accordent

Ce n’est pas une revendication corporatiste ni un sujet d’opinion qui touche aux valeurs ou aux croyances, mais une amélioration de la fluidité et de l’offre de soin et pourtant, on peut avoir le sentiment d’être en guerre contre l’institution et de devoir convaincre.  Mais qui et pourquoi ?

Est-ce une remise en question de la simple légitimité du don d’ovocytes pour certains voire du don de gamètes tout court ?

A noter que le CECOS est en désaccord total avec l’ensemble des Sociétés représentées, sur trois points :

  1. Que les nullipares puissent donner : Crainte affichée et formulée d’une dérive mercantile si le dédommagement devait être décidé (Peu d’inquiétude de la part des autres sociétés mais surtout une énorme possibilité de donneuses potentielles « grâce à ces soeurs, cousines, amies qui n’ont pas encore d’enfant »)
  2. Que les centres privés participent au don d’ovocytes. (au contraire c’est une façon d’ouvrir l’offre sur le territoire français et de permettre à tout praticien de rester proche de ces patients même dans cette démarche).
  3. Que la vitrification des ovocytes ne soit pas centralisée chez eux. (l’expérience, la mise au point autant que la routine de la vitrification ovocytaire est avant tout une affaire de laboratoire d’AMP et la prise en charge d’une patiente, de la stimulation à la congélation, se fait au sein du couple clinicien-biologiste d’AMP qui en a l’expertise)

Le débat est ouvert, les réactions de votre part sont attendues

Dr Catherine Rongieres

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